Leur spécialité : savoir interroger les intelligences artificielles. Serait-ce le nouveau « job de rêve » ? Les petites annonces de recrutement d’ingénieurs prompt fleurissent de plus en plus sur le Net.
Ils murmurent à l’oreille des intelligences artificielles (IA) comme ChatGPT (OpenAI/Microsoft), Bard (oogle) ou encore LlaMa (Meta/Facebook). Les « prompt engineer » ou ingénieurs prompt (requête, en anglais) n’ont aucun diplôme spécifique, n’ont pas besoin de savoir coder mais sont parfois très bien payés. Jusqu’à plus de 300 000 euros pour certains.
Sous ce nom un peu barbare et cryptique, se cache un métier extrêmement jeune et nébuleux : spécialiste en requêtes en IA.Certes, ChatGPT permet au grand public d’appréhender ce qu’est une intelligence artificielle en « jouant » à lui poser des questions un peu piège ou sert à créer un plan d’exposé pour les étudiants.
Néanmoins, pour un usage poussé et professionnel, il faut savoir parler aux algorithmes. Tout un art que les « prompt engineer » maîtrisent. « Le langage de programmation le plus en vogue en ce moment, c’est l’anglais », affirmait en février dernier Andrej Karpathy, ancien chef en intelligence artificielle pour Tesla et récente recrue d’OpenAI, la maison-mère de ChatGPT et Dall-E..
Langage courant et compréhension des algorithmes des intelligences artificielles
Pour devenir « dresseur d’intelligence artificielle », il faut en quelque sorte « rentrer dans la tête des algorithmes et comprendre comment ils fonctionnent afin de rédiger la bonne requête qui donnera le résultat souhaité. Car, pour aller au-delà de la question basique, comme « Dis-moi quand est né Jules César », il faut bien connaître les arcanes du fonctionnement des intelligences artificielles.
Formuler la bonne requête, cela s’apprend et cela se travaille. D’où l’idée d’un métier en soi, de prompt engineer. Un métier qui pourrait même connaître ses spécificités.
À l’instar d’un développeur qui sera spécialisé dans tel ou tel langage de programmation ou avec des profils front-end, back-end, full-stack, etc., il est fort possible que ces ingénieurs prompt ne poussent leurs connaissances dans une seule intelligence artificielle (ChatGPT, Bard, LlaMa, Dall-E, Midjourney, Dreamstudio, Stable Diffusion…) car chacune possède des spécificités et leurs algorithmes – ou réglages – réagissent différemment selon la forme de la requête soumise.
Tester, essayer, réessayer… encore et encore
La spécificité des intelligences artificielles, c’est qu’à chaque fois qu’une même requête est soumise, elle va fournir une réponse différente.
Soit totalement disparate, soit juste distinct à la marge.
Parfois, pour obtenir le résultat visé, il faut lancer plusieurs centaines de requêtes. Il faut de la patience… et un peu de flair. On ‘sent’ parfois qu’on approche du but ou, au contraire, qu’on n’arrivera à rien et qu’il vaut mieux repenser entièrement le prompt », ajoute le designer.
Le principe est un peu différent avec les IA génératives de texte comme ChatGPT dans la mesure où on peut « discuter » avec l’IA et lui demander des corrections ou modifications.
Elle va donc reprendre sa réponse et l’enrichir en fonction des instructions ajoutées peu à peu.
« C’est assez dingue de se dire qu’on ‘discute’ avec un langage humain naturel, reconnaît Sarah, consultante marketing. « À chaque fois, je me dis que les résultats fournis sont un peu un prodige, une sorte de petit miracle. Il faut un peu de psychologie pour comprendre comment tout cela fonctionne. Et savoir faire un pas de côté, penser ‘outside the box’ en sortant des sentiers battus. En tout cas, je trouve ça assez cool de se dire que je suis payée pour poser des questions à une IA. »
Savoir aussi repérer les erreurs des intelligences artificielles
Mais le métier de prompt engineer ne se limite pas à entrer quelques mots dans un champ de recherche.
Il faut aussi savoir évaluer la qualité de la réponse.
ChatGPT, par exemple, livre ses réponses avec le plus grand des aplombs.
Elle n’est pourtant pas dénuée de défauts, loin de là.
Entraînée grâce à du contenu présent sur le web, l’IA ne sait pas forcément faire le tri entre une information véridique ou une intox.
L’intelligence artificielle fait aussi parfois des résumés un peu rapides et peut inventer des citations sans sourciller.
La difficulté est que les IA ne donnent pas ou peu leurs sources. Et qu’on ne peut pas leur demander de se limiter uniquement à certaines sources spécifiques, sauf dans le cas où on demande à une IA de réécrire un texte déjà existant, mais c’est un autre exercice.
Le métier d’ingénieur prompt passe donc aussi par la vérification des données et des faits avancés mais aussi la connaissance de mots qui font littéralement « bugger » le système.
À l’inverse, certains vont en profiter pour exploiter de ces failles.
En effet, détecter les faiblesses des intelligences artificielles peut aussi permettre de récupérer des données stratégiques d’entreprises qui n’ont pas été suffisamment sécurisées (et ont donc été scannées par ces IA).